Byron et son combat contre le cancer

L’automne passé, j’ai rencontré Byron. Un jeune adulte qui m’informe vouloir organiser 12h de DJ set au profit de Zoé4life.

Son parcours de vie m’a beaucoup émue et il a accepté que je retranscrive son témoignage. Il explique également ce qui l’a motivé à soutenir Zoé4life au travers de cet événement de 12h de DJ Set.

Nous sommes en mai, Byron a 24 ans et il a terminé ses traitements contre un cancer il y a 3 semaines. Il me raconte :

« L’immunothérapie en soit, ce n’est pas un traitement lourd comparé à une chimiothérapie. Mais j’ai de la peine à me concentrer et je suis très fatigué. Cette fatigue est inexplicable. Je me lève à 10h après une nuit de 12h et parfois je dois retourner me coucher à midi. Les gens imaginent que l’immunothérapie, qui booste le système immunitaire, c’est comme si j’avais reçu un shot de Red bull. Je devrais péter la forme or c’est pas comme ça que ça fonctionne. C’est carrément l’inverse. Les gens ne comprennent pas. Ils ne comprennent pas que parfois j’ai envie de sortir avec mes amis, sortir boire un verre ou danser, mais que je ne suis pas capable de me concentrer, pas capable de travailler. »

Lorsque sa vie bascule :

Byron a obtenu son CFC de vendeur puis il est parti à l’école de recrue. Il rêvait de grader. Il était bon et il avait ses chances.

Sur le côté de son visage, il remarque un ganglion très gonflé et il avait mal à l’oreille. Après avoir pris du Dafalgan pendant deux jours et ne se sentant pas mieux, il est allé voir le médecin de l’armée. Ce dernier lui a demandé d’aller effectuer des examens supplémentaires.

Un mois plus tard, il se rend à son rendez-vous chez un ORL à Morges. Ce dernier l’informe qu’il doit faire d’autres examens au CHUV. Sans rien dire de plus.

« Mais ce médecin-là, a appelé le médecin de l’armée pour lui annoncer que j’avais un cancer. Un cancer de la peau. A moi il n’a rien dit par contre. Et c’est le médecin de l’armée qui m’a annoncé que j’avais un cancer. »

« Ils ont voulu me sortir de l’armée mais j’avais peur de me retrouver seul. Là-bas j’étais bien encadré avec l’assistante sociale qui m’a beaucoup aidé. J’ai demandé à rester au moins jusqu’à l’opération, ce qui a été accepté. Entre temps j’ai dû me rendre à plusieurs rendez-vous au CHUV. »

De lourdes opérations :

Byron est opéré en septembre 2021. Il avait alors 22 ans et l’intervention a duré 10 heures. Les médecins ont enlevé toute une chaîne de ganglions entre l’oreille et le menton. La mobilité de son bras gauche et de sa nuque était très réduite. Il a également perdu sa voix pendant une longue période.

Byron a ensuite eu quelques rendez-vous jusqu’en décembre. A peine récupéré, il subit une nouvelle intervention de 8 heures, car les glandes salivaires étaient atteintes ainsi que quelques ganglions qu’il fallait enlever.

« Au réveil, je n’avais pas de douleurs mais j’ai vu des agrafes partout sur mon cou. C’était très choquant et vraiment laid. Cet épisode m’a marqué. De me voir comme ça était très effrayant. J’ai fait 4 jours d’hôpital, puis 1 semaine plus tard j’ai débuté avec la première dose d’immunothérapie en ambulatoire. »

« A la suite de l’intervention j’ai perdu à nouveau ma voix, la mobilité de mon bras et de ma nuque côté gauche était à nouveau réduite. C’était très fatigant de tenter de parler. Mes amis et ma famille restaient focalisés sur la cicatrice, mais ils ne voyaient pas que je voulais parler. Je devais lever la main afin que tout le monde se taise pour que je puisse tenter de prononcer quelques mots. »

En regardant Byron, je vois que sa cicatrice part de l’oreille jusqu’au menton, mais elle est discrète. Il me dit que les nerfs fasciaux étaient un peu touchés, comme paralysés, mais que ça récupère gentiment. Moi je n’ai rien constaté au cours de nos discussions.

L’immunothérapie a duré de décembre 2021, toutes les 3 semaines jusqu’à mai 2023, soit 18 doses toutes les 3 semaines.

« Au début j’avais l’impression de ne pas être à ma place dans ce monde d’adultes. Je me considère encore comme un enfant. Même si j’avais 22 ans au moment du diagnostic, je reste l’enfant de mes parents après tout. Quand je vois ce que mon cancer a engendré autour de moi… mes parents venaient avec moi et devaient prendre congé pour s’absenter de leur travail. J’ai vu ce que ça impliquait pour l’entourage. Ça fait des ravages. Des tsunamis, les oncles, tantes, grands-parents, ça impacte tout le monde. Je pense avoir pas trop mal géré la maladie au niveau émotionnel. Mais je me demande comment j’aurais réagi si j’avais été plus jeune. C’est en pensant à ces enfants qui traversaient la même chose que moi et à l’impact sur leur entourage que j’ai pensé à soutenir Zoé4life avec mon DJ Set. »

Les parents de Byron venaient au début le temps que Byron prenne ses marques, puis il leur a dit qu’il souhaitait y aller seul. Il souhaitait les préserver. Il a néanmoins accepté d’être accompagné pour les rendez-vous importants, mais pas pour les traitements d’immunothérapie.

Byron m’explique que c’était très compliqué pour le personnel médical de le piquer. Tout son corps se bloquait lorsque le moment de recevoir une injection ou une prise de sang arrivait.

« Le premier truc auquel on pense quand on parle de cancer c’est la mort. L’hypnose m’a beaucoup aidé car mon corps assimilait le CHUV à la MALADIE. L’hypnose m’a aidé à faire comprendre que le CHUV signifiait GUERISON. Il a été bien plus simple de me piquer à la suite de ces séances. »

« Parfois, ce qui était frustrant c’est quand tu arrives au CHUV pour ton traitement mais que les valeurs sanguines ne sont pas bonnes. Tu dois repartir sans avoir eu ton traitement. Il faut ensuite attendre que ton corps récupère et que les valeurs soient assez bonnes. Je comprends que c’est pour me protéger mais c’est agaçant, car je voulais que ça avance. »

« Ma vie a donc été rythmée par les rendez-vous au CHUV et j’ai dû apprendre à écouter mon corps. Cette fatigue, toujours là, est vraiment difficile à gérer. Les gens peuvent penser que je ne veux pas travailler, alors que c’est tout l’inverse. J’ai 24 ans et je suis au social avec CHF 700 par mois pour vivre ! » 

« Pendant les traitements, je me suis réfugié dans la musique et les jeux vidéo. Tout le monde travaille, alors j’étais seul et je devais m’occuper. Les jeux vidéo m’ont permis de m’identifier à un autre personnage qui n’était pas malade. Cela me permettait de me sortir de mon quotidien. »

La musique a été libérateur pour Byron.

Quelle que soit son moral ou son état physique, la musique l’a beaucoup aidé. Il a choisi de s’investir pour la chaîne de radio Back2Noize, et y trouve une équipe formidable, qui l’accueille et lui enseigne ce qu’ils savent. Il dit avoir beaucoup appris d’autant plus que la radio est passée en DAB.

C’est là que l’idée d’un live caritatif est née. « Je suis un DJ, j’aime ça et je souhaitais associer à ma passion une cause et j’ai pensé à Zoé4life. » C’était un but pour Byron et il a contacté plusieurs DJ qui ont tous accepté de participer à l’événement. Il a fallu trouver des partenaires et il a été très touché de voir que les plus gros clubs de Suisse romande ont répondu favorablement à sa demande.

Byron aimerait travailler

Malheureusement, son corps est si fatigué par les traitements que cela lui est impossible. Il sait qu’il devra faire preuve de patience. Les médecins lui ont expliqué que tout cela était normal et que cela prendrait du temps.

Byron a eu un soutien incroyable et il dit que : « parfois c’est étouffant quand il y a trop de monde. » C’est dans la musique qu’il a trouvé un refuge et la force de se battre. La force de ne rien lâcher, de ne pas sombrer. C’est dans la musique qu’il a gardé espoir pour des jours meilleurs où il se sentirait enfin mieux. Il se dit de nature assez introvertie, mais derrière un micro ou ses platines, Byron est dans un monde où il se sent à sa place et où il est parfaitement à l’aise.

Et ils ont fini par arriver ces jours meilleurs. Pas suffisamment pour tenir une journée sans sieste, pas suffisamment pour travailler, mais son corps récupère gentiment et il est plein d’espoir pour son avenir.

Byron est très amer face au système. Il souhaitait faire carrière à l’armée. Il pense qu’il avait ses chances et Il était en forme physiquement. Après l’obtention de son CFC il part directement à l’armée. Une fois malade, l’armée l’a déclaré inapte à vie, même à la PC.

« Cela me révolte car je pense qu’une fois rétabli, je pourrais apporter quelque chose à l’armée ou à la PC. Mais non, l’armée refuse toute personne ayant eu un cancer.  On est radiés à vie. Et on paie la taxe. »

« Aujourd’hui, je ne souhaiterais plus aller à l’armée. J’ai été dégouté. Ils m’ont lâché sous prétexte que la maladie était existante avant l’armée. Oui peut-être, mais je n’ai pas attendu d’être à l’armée pour me faire diagnostiquer un cancer. J’ai fait 3 recours en vain. Deux ans auparavant, je travaillais à 100% et maintenant l’AI étudie ma demande pour une réinsertion professionnelle et c’est le truc qui me fait peur. »

L’aspect financier a vite été une grande crainte pour Byron. N’ayant pas d’employeur avant de partir à l’école de recrue, il s’est retrouvé sans revenu. Par chance il habitait chez ses parents. Néanmoins, il devait payer son assurance maladie.
Il découvre les méandres du système administratif, apprend à négocier avec l’assurance maladie pour obtenir des arrangements et délais de paiement. Les services sociaux sont intervenus pour statuer sur sa situation, mais cela a pris plusieurs mois. Si l’armée l’avait gardé, cela aurait été le service social de l’armée qui aurait continué à le suivre comme ils l’avaient fait au départ. Ils ont d’autres ressources et ont été d’une grande aide. Mais surtout, Byron aurait eu droit aux allocation perte de gain de l’armée. Ces dernières auraient été bien supérieures à ce qu’il reçoit aujourd’hui.

« Je suis majeur, sans emploi car je suis malade, et je suis au social avec CHF 700 par mois pour vivre. Vivant chez ma mère et vu que mon petit frère de 18 ans vit avec nous, leurs revenus aux deux comptent dans le calcul du service social. Savoir que mon petit frère est supposé subvenir à mes besoins avec un salaire d’apprenti est assez ridicule. Il y a un monde de différences entre le social et la réalité. »

Byron a finalement obtenu une exonération de paiement de sa prime d’assurance maladie. Quand on touche CHF 700 par mois il est impossible de payer CHF 350 rien que pour l’assurance maladie.

Aujourd’hui, Byron récupère chaque jour un peu plus :

Il espère qu’il pourra rapidement retrouver un poste de travail. Même à temps partiel pour commencer. Il garde espoir qu’un employeur lui donnera sa chance et verra en lui la volonté qui l’anime.

Ce qui est compliqué, c’est qu’on tombe dans des extrêmes. On a mal à la gorge et on pense au pire. Mais j’ai dû apprendre à écouter mon corps. Ce que je ne faisais pas avant. Je fonçais et même si je savais que ça n’allait pas je ne m’écoutais pas. C’est comme si j’avais reçu un message. Comme si je cherche à donner un sens à avoir eu un cancer. »

Le DJ Set organisé par Byron a eu lieu. Il a pu compter sur ses amis pour le mettre en place et pendant 12h, plusieurs DJ se sont relayés derrière les platines afin de récolter des fonds pour soutenir Zoé4life. Une journée riche en émotions ! En effet, Byron a non seulement témoigné au micro de la radio Back2Noize mais il s’est bien entendu installé, sous le nom de SeydCore, aux platines lui aussi afin de pouvoir partager sa passion de la musique.

Cet événement, le live caritatif, a permis de récolter la magnifique somme de CHF 2’000 pour Zoé4life.

Derrière ce jeune homme qui me semblait si fragile aux premiers abords, se trouve en réalité une personne avec une grande force et une grande volonté. Un jeune homme avec un cœur énorme qui a pensé à soutenir des enfants atteints d’un cancer, alors qu’il était lui-même en plein dans son combat… dans une bataille contre la maladie.

« Face aux deux années difficiles qui s’annoncent d’un point de vue financier, je vais apprendre à vivre avec peu et je profiterai plus par la suite. Je sais que le cancer me permet d’apprécier chaque petit bonheur de la vie. »

Je suis touchée par cette rencontre et je remercie la vie de me mettre de si belles personnes sur ma route.

Natalie Guignard-Nardin