Nol, le jeune homme qui a appris à se battre contre le cancer et qui a des choses à dire

J’ai rencontré Nolan il y a déjà quelques temps, sans me douter de ce qu’il endurait depuis des années à cause d’un cancer. Nolan a 18 ans et faisait partie de l’équipe que je rencontrais le lundi pour faire du sport. Personne ne semblait savoir quoi que ce soit sur moi et mon vécu et je ne savais rien du leur. Nous n’étions pas là pour nous raconter nos vies mais pour faire du sport.
Je pensais sincèrement qu’ici au moins, le cancer de l’enfant ne me rattraperait pas. C’était un moment où il n’existait pas, un moment où j’étais juste Natalie, la fille qui s’entraîne le lundi.
Les lundis se sont enchaînés.
Parfois Nolan n’était pas là, parfois c’était moi. C’était ainsi et on ne posait pas de questions.
En été 2019, je n’ai donc pas remarqué qu’il n’était pas venu depuis de nombreuses semaines. Le jour où je l’ai enfin revu, j’ai bien remarqué qu’il avait le visage très rouge. J’ai naïvement pensé qu’il avait passé un peu trop de temps au soleil. Dans ce respect mutuel qui régnait au sein de ce groupe, je n’ai pas posé de questions.
Puis j’ai appris, par une personne du groupe qui connaissait en fait tout de mon vécu et de mon rôle au sein de Zoé4life, que Nolan se battait contre un cancer depuis des années. Il rentrait tout juste d’un traitement de protonthérapie de plusieurs mois qui avait eu lieu à Villigen.
J’ai donc compris pourquoi sa peau était si rouge et j’ai fait le rapprochement avec cette famille que nous avions soutenue au travers de Zoé4life.
Je pensais que le cancer de l’enfant ne me rattraperait pas dans ce cours du lundi. Je me suis trompée. Il peut être partout et tout le monde peut être concerné. Et je ne regrette en rien qu’il se soit invité dans ce cours du lundi, car lorsque je vois ce que Nolan apporte autour de lui, je me sens honorée de le connaître un peu plus !
Nolan est un jeune homme qui a appris à se battre contre le cancer. Il est aussi Nol, un jeune artiste qui a des choses à dire et il le fait via le rap. Voici son histoire :
« Je suis assis dans cette fameuse salle au 11ème étage au CHUV à Lausanne. Le département d’oncologie pédiatrique, un monde que personne n’aimerait jamais connaître. Un monde que l’on déteste mais que nous aimons aussi. Un endroit où je me suis senti un peu comme chez moi pendant plusieurs années.
Cela fait déjà 3 mois que nous sommes venus pour la dernière fois. Encore une fois la même salle, encore une fois je suis là avec mon père pour obtenir les résultats de mes derniers examens. Je ne sais plus combien de fois nous avons franchi les murs de cet hôpital, pris cet ascenseur et attendu dans cette pièce, la boule au ventre en silence.
A quoi pense mon père dans ces moments ? Mes pensées s’évadent en janvier 2019, assis dans cette même pièce où on m’a annoncé que je devais recommencer des traitements. Après 5 ans de rémission, le cancer était revenu. Un doute à l’examen avait entraîné une biopsie qui avait confirmé le diagnostic.
Est-ce que cette fois la bataille allait être plus compliquée sachant ce que c’était de se battre contre un cancer ? Mais j’étais aussi plus âgé et plus mature. Pourquoi serait-ce plus difficile que la première fois après tout ? Je m’en étais sorti une fois, pourquoi pas cette fois aussi ? J’avais maintenant 17 ans et je n’allais de toute façon pas baisser les bras.
Alors on a attaqué des nouvelles chimiothérapies, la perte des cheveux et les séjours à l’hôpital se sont enchaînés. Ma vie d’adolescent a été mise en pause, encore une fois. J’essayais tant bien que mal de suivre mon apprentissage de pâtissier malgré la fatigue et les nombreuses hospitalisations. Puis j’ai passé 6 semaines dans un centre à Villigen. J’y ai subi une forme de radiothérapie qui m’a brûlé le visage.
Un jour, j’ai composé un son et des paroles pour remercier mon père de son soutien. Puis un autre morceau où je m’adresse à mon cancer.
C’est à travers le rap que j’ai appris à extérioriser ce que je vivais.
Le traitement s’est fait moins intense après une année et depuis, je tente de reprendre une vie normale, ma vie d’avant, tout en continuant un traitement d’entretien avec des chimios à prendre à la maison ainsi qu’un rendez-vous, une fois par semaine, au CHUV.
Malgré tout, je pense avoir toujours été optimiste et je me suis accroché afin de poursuivre ma formation. J’ai réussi mon apprentissage et j’ai trouvé un travail.
J’attends le médecin dans cette petite pièce et j’ai envie de crier : NON je ne veux plus passer par là. Le cancer m’a pris assez d’années.
Je suis « tombé » dans le monde du cancer alors que j’avais 12 ans.
Cet été 2013, j’étais en vacances en France. Je me sentais étouffer car je n’arrivais pas à respirer correctement. Mon œil sortait presque de l’orbite. A l’hôpital, après de très longues heures d’attente, on me dit que j’ai le mal du pays, que ce n’est rien de grave. Quand j’y repense… c’était ridicule. Ma grand-maman n’étant pas rassurée par ces propos me renvoie en Suisse.
Là, il n’aura pas fallu longtemps pour qu’au centre médical, les médecins me disent qu’ils ont vu quelque chose dans mon nez et ils me fixent un rendez-vous au CHUV le lendemain.
Après plusieurs jours d’examens, les résultats tombent. J’ai une tumeur dans les sinus.
Je passe 11h au bloc pour une intervention chirurgicale très lourde. On me prélève de l’os dans la jambe pour remplacer une partie de mon os frontal. Je reste une semaine aux soins intensifs, puis encore 5 jours dans le service de pédiatrie au 11ème étage que je découvre pour la première fois.
Trois semaines après mon retour à la maison, ma mère me réveille un matin en me disant que nous devons retourner au CHUV en urgence.
Les examens de l’analyse de la tumeur sont arrivés. Ils confirment que c’est plus grave que prévu. Les médecins collaborent avec d’autres médecins et se consultent. Mon dossier a même été vu par un spécialiste aux USA. Le verdict est clair : il faut traiter avec des chimiothérapies. Ma tumeur est un cancer appelé Sarcome d’Ewing.
J’avais 12 ans… et si j’ai eu un peu peur de mourir, c’est la perte de mes cheveux qui m’a fait pleurer. Heureusement, l’équipe médicale a été formidable et j’ai été très bien entouré. Mes parents travaillaient la journée, mais se relayaient le soir pour passer la nuit avec moi.
J’ai un souvenir d’avoir fêté mon anniversaire à l’hôpital. J’étais hospitalisé dans la grande chambre que je partageais avec cinq autres enfants. Ma maman a apporté 2 gâteaux et toutes les infirmières sont arrivées en me chantant joyeux anniversaire. Elles m’ont même offert un cadeau pour lequel elles avaient toutes apporté une contribution. Cela m’a beaucoup touché.
A l’école, les professeurs m’ont beaucoup soutenu et encouragé, même si l’envie de travailler n’était pas toujours présente.
Après plus d’un an de traitement, le mot rémission a été prononcé. Le cancer était K.O, je pouvais reprendre le cours de ma vie, en alternance avec les examens de contrôle au CHUV.
Après 5 ans sans cancer, on déclare qu’un patient est guéri. Lors du dernier examen de contrôle, qui devait confirmer que j’étais donc guéri, ils ont vu quelque chose de suspect.
Et là, tout a recommencé !
J’en ai vu des enfants et des adolescents dans ce service au fil des années. Combien sont décédés ? Combien sont guéris ? Et à quel prix ? Je m’estime chanceux de n’avoir que peu de séquelles.
Aujourd’hui, j’attends le médecin dans cette petite salle. Lorsqu’il ouvre la porte je scrute le moindre signe dans sa démarche, dans son visage. La dernière fois, le gros classeur qu’est mon dossier était sous son bras. Pas cette fois. Est-ce bon signe ? Ou mauvais signe ?
Les examens sont bons ! Ouf, je garde mon avance sur le cancer. Je sais bien que tous les 3 mois, je vais revenir, et que si une bataille est gagnée, la guerre, elle, n’est jamais terminée quand on se bat contre le cancer.
Mais en attendant de savoir ce que demain me réserve, je vais vivre comme le cancer me l’a appris : au jour le jour, sans trop planifier les choses et je vais aimer et partager. J’ai malgré tout, comme tout le monde, mes rêves : me marier, avoir des enfants et devenir gendarme.
On m’appelle Nol et je vais continuer d’écrire du rap afin de transmettre aux autres, tout ce que j’ai à dire, pour qu’ils se sentent moins seuls et qu’ils ne se découragent pas devant les difficultés à surmonter. »
Témoignage recueilli et écrit par Natalie Guignard-Nardin
Avril 2021